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Le Surréalisme en Colombie Britannique
SURREALISM IN BRITISH COLUMBIA
by José Pierre
Excerpts from Bulletin De Liaison No. 13  RCP no. 402 du CNRS
<>Centre National de la Recherche Scientifique, Recherche coopérative sur programme (RCP no.402)
Associée a l'Université Francois -Rabelais de Tours
Revues Et Tracts Surréaliste et De L'Horizon Surréaliste en France et Dans Le Monde

 
"The water whirls the leaf along
to the island of stone
where the bone is a man
and the man is a flame
and the flame is a flower
and the flower is a tree
and the tree is a snake
and the snake is a rod
and the rod is a fish
and the fish dives so deep
that the island is drowned
and the leaf is lost
wih the love that it brought
and the field that it bought
and the bird that it caught
all lost
lost lost lost" (77),
Ce survol du Surréalisme en Colombie Britannique se doit de commencer un poète, Michael Bullock (né en Grande-Bretagne en 1918), qui ne se cache pas d'être un poète surréaliste, et, qui mieux est, s'est proposé, dans son cours de "creative writing"  à 1'Université de Vancouver, de Vancouver, de découvrir à des étudiants les possibilités de l'écriture surréaliste- non pas d'une manière scolaire, mais en faisant en sorte qu'ils se découvrent eux-mêmes en découvrant la poésie surréaliste. Bullock ne cache pas en effet qu' il  est resté profondément marqué par 1'Exposition internationale du Surréalisme de Londres, en 1936 - qu'il visita à l' age de dix -huit ans. Michael Bullock écrit non seulement des poèmes, mais aussi des contes, imprégnés de la même atmosphère onirique ou animés des mêmes metamorphoses que sa poésie. Il est également peintre, ou plutôt dessinateur, et le peu que nous connaissons de son oeuvre graphique serait pour nous laisser croire que la figure fondamentale de celle-ci est une sorte de mandragore - cette racine d'allure anthropomorphique cue la légende dote de pouvoirs mystérieux (78)
En tout cas, il n'est pas surprenant que Bullock figure au nombre des fondateurs du West Coast Surrealist Group avec Ted Kingan, Robert Davidson et Gregg Simpson, ni qu'avec ceux-ci il ait participé à la première exposition du groupe, ouverte le 18 mars 1977  à la Move Gallery de Vancouver. La fondation de ce groupe avait ete précédée d'une activité que l'on pourrait déjà dire surréaliste, mais en tout cas tres orientée du côte de l'occultisme. Le responsable de cette activite comme de son orienetation etait Gregg Simpson (né en 1947),  qui l'on doit la publication de Splendor Solis (1970), la fondation d'une sorte de loge maçonnique, the Divine Order of the Lodge, et l'edition des trois numéros de la revue Lodgistiks (no.1, octobre 1972; no.2, mai 1974; no. 3, janvier 1975), émanation de cette loge pour rire - mais pas seulement pour rire, semble-t-il -,ainsi que l'organisation de l'exposition The Metaphysical Landscape (Canadian West Coast Hermetics) à laquelle il a déjà fait allusion (1973). Rappelons à ce propos cue les préoccupations mystiques de toute espece sont chose connnune sur la côte du Pacifique, aussi bien en Colombie Britannique qu'en Californie. Un aspect de ce mysticisme est la sensibilité aux religions de 1'Extrème-0rient, conrme ce fut le cas aux Etats-Unis pour des peintres comme Morris Graves et Mark Tobey. Or celui qu' à Vancouver on donne volontiers pour le pendant canadien de Tobey, c'est Jack Wise (né aux Etats-Unis en 1928), que l'on retrouve parmi les participants à l'exposition de 1973, en compagnie d'un autre artiste encore plus porté aux speculations mystiques puisque, depuis lors, il a abandonne la peinture pour se rallier  à  la secte Hare Krichna ! Nous voulons parler de Gilles Foisy, un Québécois pourtant né Montréal en 1948)..

Jack Wise était sans doute moins menacé d'une conversion de ce genre, puisque dans son oeuvre le mandala tibétain fait bon ménage avec la croix celtique et le Zen, ce qui nous encouragerait à mettre tout cela sur le compte de certaine vague religiosité  hippie. (Notons au passage que les les de la Reine Charlotte, à deux heures de vol de Vancouver, où certain champignon hallucinogène se trouve en abondance et où l'on peut le cueillir et le consormner en toute qui étude, sent devenues une sorte de paradis pour les hippies - après avoir été la terre sainte des Haida !) Ceci dit, convenons que lorsque ses peintures ne s'alourdissent pas trop de références mystiques et ne se souviennent pas trop non plus des "écritures blanches" de Tobey, Jack Wise nous propose de fort beaux exemples d' "automatisme" surréaliste (White Fern Song, 1963; Myth Machine, 1966; Moon Rock Writing,1970). Parmi les autres participants  à l'exposition de 1973, à côté de Gregg Simpson et de Ed Varney - que nous retrouverons plus loin - figuraient également Gary Lee Nova et david uu, qui refuse les majuscules.

Gary Lee Nova (né en 1943) occupe une situation très singulière au carrefour du Pop Art, du Surréalisme et de l'influence de 1'Extrème·- Orient (Pacific Great Eastern, 1967), qu'il nous est difficile d'apprecier plus exactement, faute d'une documentation suffisante. Il en va à peu près de même pour david uu (né en 1946), dont il semblerait que l'éclecticisme même des références contenues dans ses "collages" milite en faveur d'une sorte de syncrétisme religieux. Notons encore que tous deux participent aux manifestations internationales de poésie concrète, où il s'agit la plupart du temps d'interférences entre l'image photographique et le texte.

Edwin Varney, qui se présente volontiers comme "Big Dada", a en effet conservé du Dadaisme ce goût de la provocation permanente qui, chez cet excellent graphiste, revêt notamment la forme du Mail Art : fabrication de timbres jouant par exemple sur le nom du pays ("Nada Post" ou "Canadada"), ou comportant des sentences telles que "Dada is everywhere", "Dada I love you" ou encore, simultanément : "La poésie est morte ! Viva la poesia MODERNA. Nobody will ever know" (79). Mais son activité artistique majeure demeure le "collage" photographique, dans lequel il atteint une grande qualité poétique due à un sens   raffiné des rapports de formes et de couleurs ( Egyptian Vacation; Artic Discovery; Knight Inlet Monument), ce qui n'em pêche pas l'humour d'y trouver son compte, bien entendu (David on the Moon; Apparition; The Watcher).

Gregg Simpson est non seulement l'inlassable organisateur de la Côte Ouest, l'inlassable touche-a-tout, mais, cela va de soi, l'inlassable expérimentateur. Enumérer ses différentes attivités depuis 1965 remplirait plusieurs pages de ce compte-rendu de mission : nous nous contenterons de dire que, des percussions à la vidéo comme de la peinture au théatre et à la danse,          rien de ce qui peut être aujourd' hui entrepris dans un esprit radicalement neuf ne lui est étranger - et non pas comme simple auditeur ou spect·ateur, mais chaque fois comme animateur et comme professionnel. Pour nous en tenir au domaine des arts plastiques - ce qui est déjà  limitatif par rapport à notre propos, car c'est tenir pour rien le poète de Luminous Desires (Derwyddon Press, 1977) -, Simpson a longuement experimenté, jusqu' à ce jour, tous les procédés ou presque de l"automatiqme" dit "mécanique" : "'Frottages'' selon Max Emst élargis jusqu' à la video,  "décalcomanies" telles que les pérconise Oscar Dominguez (Venusian Delights, 1971) prolongées  jusqu' àcertains effets de matière assez troublants (Picnic, 1971), en y ajoutant  les références à la symbolique maçonnerie ou alchimique (Phostose, 1971; Talisman, 1971 -) et aussi le recours au "collage" (The Secret Age, 1972). Mais, aussi étonnant que cela puisse paraitre, le meilleur de 1'oeuvre de ce fanatique des laboratoires de la création, c'est dans des images absolument glacées et d'une précision presque insoutenable qu'il faut les chercher : The Adept; 1971; Picnic in Hell, 1972; Wanderers,1973; The Genagual, 1975. A quoi il faut ajouter les toiles que lui a inspirées son admiration pour Maurice Ravel -  dont il se persuade que Max Emst et Magritte furent passionnés par sa musique- : Le Tombeau de Ravel et Alborada del Gracioso, tous deux de 1971. En tout cas, il est plus que souhaitable que l'immense talent de Gregg Simpson trouve enfin à se manifester   de façon plus suivie et plus cohérente, même s'il devait découvrir sa voie propre en dehors du Surréalisme

A rebours de la quête toujours recommendée de Simpson, celle de Ted Kingan (né en 1927 en Grande-Bretagne) se poursuit avec une sûrete quasi somnambulique. Très tôt, avant même de savoir ce que c'était que le Surréalisme, Kingan fut amené  dessiner et à peindre de surréaliste manière, disposition que renforça la rencontre qu'il fit de gens comme Desmond Morris, avec leguel il exposa à Swindon avant d'avoir achevé son service militaire. Mais c'est bien après son installation à North Vancouyer (1959) que la vie lui permettra de développer de façon suivie son oeuvre personnelle : au fond, il y a dix années à peine que cette oeuvre est rébellement commencée. En revanche, elle n'a fait depuis lors que prospérer selon une pente parfaitement naturelle, comme si elle n'attendait que l'occasion d'affirmer une virtualité paisible certes mais irrépressible. Sa gestation même pourrait être mise sur le compte d' un "automatisme" lent, comparable à la croissance des végbétaux - et à  l'opposé par conséquent des crispations et des décrispations de l'école de Borduas. A une éclosion très spontanée succède une maturation progressive, jusqu'à ce que - la lumière accusant la réalité des formes-l'équilibre soit atteint entre la poussée intérieure qui a donné naissance au tableau et l'exigence esthétique qui en consacre l'existence. C'est ce qui fait sans doute que la peinture de 'Ted Kingan - ce sent des gouaches et de rares dessins, toujours de taille modeste- atteigne aujourd'hui  à une intensité poétique dans sa sobriété à laquelle personne ne saurait prétendre parmi tous les peintres qui, au Canada, de près ou de loin, entretiennent quelque relation avec le Surréalisme : qualité purement intérieure à laquelle, avant lui,
seul sans doute un Tanguy avait pu accéder ...

Parmi les fondateurs du West Coast Surrealist Group, Robert J. Davidson (né en Ecosse en 1949) n'a pas caché - tout comme Kingan et Simpson, d'ailleurs-sa prédilection pour Max Ernst parmi les peintres surréalistes célèbres. Cette référence a encouragé chez Davidson une propension aux visions fantastiques asset terrifiantes, dent l'aspect spectaculaire - êtres monstrueux difficilement identifiables, qui tiennent de l'oiseau, de l'insecte et de la plante - l'èloignerait plutôt de ce que le Surréalisme a toujours recherché, à savoir une plénitude plus assurée de l'être qui, au lieu de refuser en lui la part cachée, l'accepte. A notre avis, c'est dans ses peintures à deux dimensions- vues comme en rase-mottes de luxuriantes végétations inconnues - que cet artiste à montré le mieux jusqu'à ce jour l'étendue de ses ressources : il n'est que de continuer le déchiffrement de ce nouveau monde ...

Né en Slovaquie en 1921, Ladislav Guderna a appartenu au groupe Avangarda 38 qui a continué sous l'occupation nazie à maintenir des activités surréalistes. Aussi, lorsqu'au lendemain de l'agression "soviétique" contre la Tchécoslovaquie, en1968, il se réfugie au Canada, il y arrive avec un "bagage" spirituel et artistique considérable - celui de trente années de Surréalisme ! Son univers poétique personnel, bien que déjà affirmé, n'en pas moins un enrichissement certain et cormne un  approfondissement en territoire canadien, comme s'il y découvrait un encouragement à être pleinement lui-même et à poursuivre jusqu' au bout aussi bien l'épanouissement de ses fantasmes que leur accomplissement formel. Ce dont apportent la preuve quel-ques chefs-d'oeuvre tels que Dialogue (1972), Red Evening (1974), Night Visitor I (1976), Monday (1976), Nocturno (1978) et Studio (1980) pour ce qui est des peintures, auxquelles il convient d'ajouter l'étonnant assemblage intitulé Mona Lisa expecting Leonardo (1979) et, parmi les dessins et les"collages"-- ou les "collages" mêlés au dessin-, Do you Remember? (1970), Shakespeare at Home (1970), House no. 16 (1977), Air Circulation (1978) et Marquis de Sade (1979). Ce qui est peut-être le plus frappant dans la peinture de Ladislav Guderna, c'est l'extraordinaire densité formelle qui procurre à son univers fantasmatique une dureté  et une force peu cormnunes - exactement comme si l'artiste avait découvert le secret de les protéger contre toute agression venant de l'extérieur et de les rendre indestructibles. D'oû cette espèce de sérénit qui s'en dégage, plus particuliérement frappante peut-être dans une oeuvre comme Monday, oû le merveilleux nous affronte avec la plus tranquille assurance ...

Gathie Falk (nee en 1928) et Glenn Lewis (né en 1935), céramistes l'un et l'autre, relevent plutôt de ce mouvement baroque d'une grande fantaisie, le Funk Art, qui commença à se développer sur la cote californienne il y a une quinzaine d'années. Ici, le plus souvent, c'est l'humour qui l'emporte et le goût d'une liberté qui ne cherche pas trop a se découvrir des antécédents,  que ce soit dans le Surréalisme ou ailleurs. Néanmoins, le Surréalisme ne peut manquer d'être impliqué dans les chaussures en terre cuite de Gathie Falk, dans ses hordes de découpures de chevaux ou dans ses pique-nique, natures mortes insolites où sont convoqués simultanément des pendules et des coquetiers, ou des poissons noubs de rubans. Avec David Mayrs (né en 1935), c'est à un tout autre état d'esprit que nous avons affaire : nous sonrmes proches de cette peinture à prétentions "critiques" qui fit naguère en France les beaux jours du Salon de la Jeune Peinture et où il s'agit beaucoup plus de débusquer, derrière l'incongruité de certaines images ou rencontres d'images - par exemple, les Grandes Pyramides au milieu d'une forêt Canadienne enneigée ou les assistants tous identiques aux Funérailles de Kafka (1976) un certain trouble de la société et son répertoire visuel que l'esprit en butte à de redoutables problèmes.

Par ailleurs, une information suffisante nous manque pour nous prononcer sur le cas d'artistes comme Eugène C. Beck Jr. (né aux Etats-Unis en 1937), James Gordaneer (né en 1933), Sherry Grauer ou Francis Thenard (né en France). Mais il nous faut dire un mot des disciples de Michael Bullock tels que Hosea Hirata, Bill McKinlay, Rose-Marie Tremblay et DorothyVarney qui, tous, ainsi que leur professeur de "creative writing", étaient représentés par un texte dans l'invitation à la dernière exposition du West Coast Surrealist Group (80) - convergence qui est à nos yeux du plus heureux présage. Et nous   terminerons ce tour d'horizon du Vancouver surréaliste par ce bref poème coloré de Bullock

     Yellow Sound
            A yellow sound rings in my ear
            high-pitched and sharp-edge
distant but piercing
When it fades
                    everything is trembling (81)"

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